• On porte du bleu pour la bonne cause

    La vidéo c'est Percujam, un groupe atypique que je vous invite à découvrir par vous même

     

    Aujourd'hui c'est la journée mondiale de la sensibilisation à l'autisme et c'est la couleur bleue que l'on est invité à porter aujourd'hui pour soutenir cette cause. Cette cause... laquelle? L'autisme est il une cause en soi? Non évidemment, mais sensibiliser les gens à ce handicap, oui. Car trop souvent l'isolement de ces enfants et de ces adultes est renforcé par la peur que les autres peuvent avoir d'eux.

     

    J'ai en tête des moments pas toujours agréables qui me font dire que malgré tous les débats stériles qui risquent d'être soulevés aujourd'hui, le fait que l'on parle de l'autisme ne peut pas faire de mal. Je me souviens d'une dame me demandant dans un magasin "comment vous osez les sortir?", je me souviens aussi d'une maman qui répond juste à son fils " chuuuut" et qui accélère le pas lorsque celui-ci lui demande "qu'est-ce qu'elle a la dame?", je me souviens également d'une autre maman qui fait comme si elle n'avait pas entendu quand sa fille est venue me demander "pourquoi elle est moche ta fille?". Ce qui est flagrant dans ces exemples c'est que ce n'est pas l'autisme en soi qui dérange parce que l'autisme ne se voit pas toujours. Mais la différence, elle, gêne et exclue. Pourtant nier la différence de certaines personnes (en ne répondant pas ou en demandant ouvertement à ce que ces personnes soient cachées) n'est-ce pas agrandir cette différence?

     

    On porte du bleu pour la bonne cause

     

    J'ai tellement de choses à dire, à raconter... Je ne sais pas trop par où commencer. Peut être déjà par vous exliquer que des personnes autistes j'en cotoie tous les jours, c'est mon travail. Alors, une manucure pour sensibiliser les gens oui, mais ça ne suffit évidemment pas.

     

    Qu'est ce que c'est que l'autisme? S'il y a bien une chose à comprendre et à savoir c'est que l'autisme n'est pas une maladie. C'est un handicap. Et même si on ignore tout des causes de ce handicap, cela n'en reste pas moins quelque chose qui ne se guérit pas. (Wouahou niveau message d'espoir, elle envoie cette phrase non?) Donc non j'insiste, l'autisme ne se guérit pas. On apprend à vivre avec, on s'habitue, mais on ne devient pas ancien autiste. Le second point très important à mon sens, c'est qu'il est impossible de donner une définition exacte de l'autisme car il y autant d'autismes que de personnes autistes. C'est pourquoi ce handicap est très difficile à diagnostiquer car les signes varient énormément d'une personne à l'autre. Alors, oui on retrouve quelques caractéristiques mais elles sont minimes. Je dirais que le point commun entre toutes les personnes autistes c'est qu'ils vivent dans leur monde plutôt que dans le nôtre.

     

    On porte du bleu pour la bonne cause

     

    Lorsque j'ai commencé ma formation d'éducatrice, le handicap me faisait extrêmement peur. Pas l'autisme, non le handicap en général. Parce que ça me dépassait complètement. Ceci dit, dans la grande famille du handicap, il y a avait quand même une branche qui m'attirait, me fascinait presque, celle que je vais apeller de la maladie mentale. (Petite parenthèse juste pour préciser que je parle là de mon état d'esprit à l'époque. Je sais très bien aujourd'hui que l'autisme n'est pas une maladie mentale. Un autiste n'a pas sa place en hôpital psychiatrique, par exemple. Mais ça, je vais en reparler un peu plus tard). Pour exorciser ma peur, et me confronter à cette population, j'ai fait mon premier stage en hôpital de jour. Un hôpital de jour est un lieu où infirmiers, éducateurs, médecins, psychomotriciens et instituteurs spécialisés accueillent des enfants dont les troubles psychiques les empêchent de suivre une scolarité classique. C'est là que j'ai rencontré professionnellement pour la première fois des enfants autistes. Au début, ça fait tout drôle, on ne comprends pas. Oui, je ne comprenais pas qu'un enfant se cogne contre un mur en demandant au mur d'arrêter. Je ne comprenais pas non plus, qu'on puisse tourner autour d'une table en parlant de cochon d'inde. Ou alors je ne comprenais pas qu'un enfant qui parle à priori de façon normale, qui écoute et comprends ce qu'on lui demande, puisse être empli de vide.

     

    On porte du bleu pour la bonne cause

     

    Puis un jour, j'ai compris. J'ai compris, que je devais arrêter de vouloir comprendre et aller à leur rencontre. Ils ne viendront pas dans mon monde, à moi d'aller les rencontrer dans le leur. Il n'y a pas de recettes pour ça, pas de solution miracle. Quand on me demande comment je compte m'y prendre pour entrer en relation avec ces enfants si particuliers je réponds honnêtement que je ne sais pas. Parce que chacun est différent. Je n'ai jamais forcé aucun enfant (ni adulte par la suite) à entrer en relation avec moi, je me suis rendue disponible et à l'écoute. Sans préjugé, sans vouloir imposer quoi que ce soit. Je ne me suis jamais non plus interdit d'essayer, ne pas partir du principe que, et découvrir des personnes et non un ensemble de symptômes à traiter. J'ai passé des heures à faire des listes de pokémons, à lire les mêmes histoires pour qu'un jour on puisse jouer ensemble avec ces pokémons, pour qu'un jour ce soit eux qui me racontent les histoires. Et ça a marché. Il ne faut pas attendre de résultat, il ne faut pas se fixer des objectifs insensés (voire il ne faut pas se fixer d'objectifs tout court, mais c'est un autre sujet). Il faut juste être et un jour, ce petit garçon qui ne supporte pas qu'on le touche, viendra vous prendre la main pour se promener. Il faut juste être et le jour où vous leur dîtes au revoir, cette figurine qu'il ne lâchait absolument jamais sous peine de crise incontrolable, il vous la donne, en cadeau, en souvenir. Il faut juste être et un jour, cette enfant qui voit les gens comme des objets et ne les reconnaît pas, vous dit bonjour Manon.

     

    On porte du bleu pour la bonne cause

     

    Une fois mon stage dans cet hôpital de jour terminé, j'ai ensuite eu une expérience en foyer auprès d'adultes autistes cette fois. C'est à nouveau plein de questionnements, qu'est ce que je peux leur apporter, est ce que je peux encore les faire évoluer, à quoi je vais servir, comment traiter comme des adultes des personnes qui agissent comme des enfants? Encore une fois, j'ai décidé de laisser mes questions de côté et encore une fois de rencontrer les personnes plutôt que de m'arrêter à leurs symptômes. A ce foyer j'ai fait des rencontres absolument magnifiques, des rencontres qui me font me dire, que c'est là-bas que je voudrais travailler, que c'est comme une évidence qui malheureusement n'est pas forcément possible. Je peux vous dire encore que j'ai passé des heures à jouer aux legos, assise par terre ou à une table pour qu'à un moment, il me tende une petite brique et qu'on joue ensemble plutôt qu'il fasse inlassablement des tas tout seul. J'ai appris à écouter chacun d'entre eux, même ceux qui ne parlent pas (surtout ceux-là?). J'ai appris aussi à ne pas être déçue quand lorsque je devais m'absenter pour plusieurs semaines pour mes cours, à mon retour certains ne me reconnaissaient pas. Je n'ai pas été déçue, j'ai simplement recommencé. A quoi rime tout cela? Qu'est-ce que ça leur apporte? Entrer dans leur monde, même un tout petit peu, c'est petit à petit casser l'isolement et introduire de la relation et de l'autre dans un monde pensé pour une seule personne. Ne pas se fixer d'objectif et être avec la personne c'est accepter aussi que les progrès ne sont pas toujours mesurables ni évaluables. Seulement un jour, après plusieurs mois d'absence, cette personne vous reconnait au son de votre voix, vous faîtes partie de son monde, et ce jour là vous avez gagné. Non pas contre le handicap, c'est impossible mais contre l'isolement et petit à petit, brique de légo par brique de légo les choses peuvent bouger. Une personne autiste ne sera jamais totalement dans le même monde que nous, mais en les accompagnant, doucement, à leur rythme, on peut rendre ces personnes moins seules, moins exclues et surtout leur rendre le monde moins invivable.

     

    On porte du bleu pour la bonne cause

     

    En me lisant, tout cela paraît peut être simple mais non. J'ai pris des coups, j'ai du demander de l'aide parce que je n'y arrivais pas. J'ai du ravaler ma frustration et mon envie de bien faire pour me mettre à leur rythme. Et moi, c'est mon métier. Je n'ai pas d'enfant autiste, je n'ai pas le handicap et la différence à gérer au quotidien. J'ai mes convictions, ma façon de faire, qui jusqu'à présent a toujours marché (si l'on accepte le fait que l'on ne fera rien faire à la personne en face tant quelle n'y est pas prête). Malheureusement, en France les structures sont beaucoup beaucoup trop rares pour ce genre de handicap. S'occuper de personnes autistes c'est un vrai métier et tout le monde ne peut pas le faire. Aider les familles à comprendre, accepter et vivre avec le handicap de leur enfant (même lorsque celui-ci est devenu un adulte) c'est une tâche complexe. Sensibiliser à la cause de l'autisme, c'est aussi et surtout permettre à ces personnes d'être prises en charge correctement, dans le respect de leur personnalité et de leur intégrité. Le combat, pour que l'autisme soit beaucoup plus reconnu et de fait plus soutenu et plus aidé en France ne fait que commencer. Et il commence chez chacun d'entre nous.

    Partager via Gmail Yahoo!

    Tags Tags :
  • Commentaires

    1
    Mardi 2 Avril 2013 à 11:25
    Bulleuw

    Ton article est magnifique, touchant, et tellement vrai.. Merci beaucoup, j'ai aimé lire et comprendre tout ce que tu as vécu, et même si je ne suis absolument pas dans la même situation que toi, je comprends, je comprends tout ce que tu dis...

    2
    Mardi 2 Avril 2013 à 12:22
    agnes971

    très jolie manucure, et pour une très bonne cause, excellent

    3
    Pitite Xena Profil de Pitite Xena
    Mardi 2 Avril 2013 à 15:33

    Merci ma jolie Bulleuw! Ca me fait plaisir parce que évidemment cet handicap me touche énormément, mais comment ne pas l'être (touchée) par des personnes qui sont tellement humaines?

     

    Merci Agnes =)

    4
    Mardi 2 Avril 2013 à 16:12

    Ton article est vraiment magnifique! Au moins, on voit que tu sais de quoi tu parles, c'est très touchant...

    5
    Pitite Xena Profil de Pitite Xena
    Mardi 2 Avril 2013 à 16:21

    Merci =) Ca me fait plaisir d'arriver à faire passer le message parce qu'il y a tellement de choses que j'ai envide de dire et de raconter à ce sujet! Je crois que je pourrais en faire un livre! Du coup j'avais un peu peur de me perdre et de vous noyer dans un foullis incompréhensible...

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    6
    Mardi 2 Avril 2013 à 22:24

    Très bel article, je n'en attendais pas moins de toi. Tellement de choses sont dites par beaucoup de monde sur l'autisme, mais toi tu ramènes tout à l'essentiel, je suis fier de toi <3

    7
    Pitite Xena Profil de Pitite Xena
    Mardi 2 Avril 2013 à 23:18

    Il est trop chou ton commentaire mon chéri! <3 Merci :)

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :